Apprentissage du Néerlandais dans l'enseignement obligatoire
M. Jean -Philippe Florent (Ecolo) . – L’Académie de recherche et d ’enseignement supérieur (ARES) a récemment autorisé les facultés de droit à organiser certains cours en langue néerlandaise. Cela répond à un intérêt certain du point de vue de la pratique professionnelle des futurs juristes et avocats, mais égale ment d ’un point de vue plus général pour l ’exercice d ’une citoyenneté harmonieuse et constructive. Cette nouveauté augure donc d ’une avancée positive – si elle n ’était pas tempérée par le constat de certains universitaires sur les limites de l ’apprentissage des langues, et particulièrement du néerlandais – dans l ’enseignement obligatoire francophone, en particulier pour la pratique de la langue orale. Si cela représente un enjeu pédagogique immédiat qui permet de rencontrer nos voisins néerlando phones, c ’es t également un facteur limitant l ’accès au cursus supérieur: les élèves issus de la Fédération Wallonie -Bruxelles apparaissent moins efficaces dans l ’apprentissage des langues, par exemple en comparaison avec des étudiants étrangers. Madame la Ministre, M. Soiresse Njall vous a interrogée le 18 juillet dernier et a mentionné certaines initiatives innovantes relatives à l ’enseignement des langues dans la Région de Bruxelles -Capitale. En respectant la liberté pédagogique des établissements, il est essentiel d ’offrir une visibilité et de partager les expériences sur des initiatives de ce genre qui favorisent la pratique orale et les compétences ainsi que l ’autonomie des élèves , tout en garantissant un cadre réglementaire per- mettant à ces expériences de voir le jour. Quels sont les chantiers ouverts et les pistes envisagées pour l ’apprentissage des langues, en particulier du néerlandais, mais aussi de l ’allemand, dans l ’enseigne- ment obligatoire? Comment assurer une transition optimale entre l ’enseignement seconda ire et les études supérieures en matière de langue? L ’initiative de l ’ARES a-t-elle fait l ’objet de discussions avec vos services? Comment valoriser davantage les initiatives innovantes en faveur de l ’apprentissage des langues en Fédé- ration Wallonie -Bruxelles, comment les rendre plus pratiques et davantage orientées vers l ’oralité? Comment permettre l ’échange et la diffusion de pratiques et d ’outils novateurs pour renforcer l ’autonomie des enseignants? Quel est votre échéancier pour imposer l ’apprentissage du néerlandais ou de l ’allemand comme deuxième langue?
Mme Caroline Désir , ministre de l ’Éducation. – D ’abord, je me réjouis que des cours d ’enseignement supérieur aie nt lieu en néerlandais. Cela relève de la propre et seule initiative des établissements d ’enseignement supérieur. Plusieurs pistes visant à améliorer la connaissance des langues modernes en Fédération Wallonie - Bruxelles ont déjà été mises en œuvre par le secteur de l ’enseignement obligatoire. Je pense d ’abord à l ’éveil aux langues proposé dans l’enseignement maternel ainsi qu’en première et deuxième années de l ’enseignement primaire, mais aussi aux nouveaux référentiels disciplinaires du tronc commun qui révisent à la hausse les niveaux attendus et font la part belle à l ’oralité. Ces nouveaux référentiels intègrent le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). Cet outil, qui permet de clarifier les enjeux d ’apprentissage, est destiné à la fois aux enseignants et aux élèves. Par ailleurs, un partenariat avec Taalunie permet de cofinancer l ’organisation de tables de conversation destinées prioritairement aux jeunes enseignants. Taalu nie offre aussi un soutien financier à des projets en lien avec l ’enseignement du néerlandais, comme des activités culturelles, des excursions ou des échanges linguistiques. Elle met également à disposition différents matériels pédagogiques susceptibles d ’être exploités en classe. De son côté, la plateforme e -classe propose plus de 500 ressources couvrant le domaine des langues, dont plus de la moitié soutiennent plus spécifiquement l ’apprentissage du néerlandais. De nouveaux partenariats avec des institutions, des associations et des plateformes de contenu issues de Flandre ou des Pays -Bas sont prévus. Ils permettront l ’intégration de nouvelles ressources mobilisables au cours des prochains mois. La formation professionnelle continue doit jouer un rôle pour permettre l ’échange et la diffusion de pratiques innovantes. Le développement de communautés d ’apprentissage professionnel constitue une autre perspective intéressante sur cette question. Enfin, une collaboration avec le Plan «Langues » de la Région wallonne est en cours de discussion avec le cabinet de la ministre Morreale et le FOREM. Pour terminer, la décision du gouvernement de généraliser l ’apprentissage du néerlandais ou de l ’allemand comme première langue moderne n ’est en effet pas encore traduite dans un texte légal, mais le principe est acté politiquement. Nous sommes toutefois encore en train d ’évaluer les problèmes d ’organisation que po se déjà la pénurie d ’enseignants dans un contexte d ’anticipation des cours de langues en Wallonie en troisième année, au lieu de la cinquième année de l ’enseignement primaire, qui a débuté cette année. Si ces problèmes s ’avèrent trop im- portants, il faudra peser le risque que la pénurie s ’accroisse s ’il est obligatoire d’apprendre le néerlandais ou l ’allemand en tant que première langue moderne à partir de 2027. Nous devons garder un peu de marge de discussion sur le timing et les modalités de la mesure sans la remettre en question, en ce compris ce qui concerne l ’enseignement en immersion en anglais et l ’apprentissage de l ’allemand. Le cas échéant, les questions de reconversion pourront être instruites à la lumière des travaux portant sur la transition sociale en lien avec les réformes du Pacte pour un enseignement d ’excellence. Il sera indispensable d ’établir un dialogue étroit avec les acteurs de la formation initiale des enseignants (FIE) au moment où un texte décrétal aura entamé son processus d ’adoption.
M. Jean -Philippe Florent (Ecolo) . – Faire évoluer progressivement les pratiques afin de briser cette peur de prendre la parole dans une autre langue et d ’être plus en contact avec la langue parlée est un défi. Je salue les efforts, dont le renforce- ment des dispositifs ou des liens avec des dispositifs comme le Plan «Langues » de la Région wallonne. Le gouvernement s ’octroie donc la possibilité logique d ’adapter le calendrier en raison de la difficulté de recruter des maîtres en langues. Toutefois, il conserve la volonté politique de poursuivre cette mission, ce que nous soutenons.